Une saison qui prend fin…
Nous sommes le samedi 7 février 2009. Dans quelques instants, le dernier DC3 de la saison va prendre son envol et nous laisser, nous, les douze membres du cinquième hivernage au dôme C. Seuls. Seuls et heureux d'enfin pouvoir en découdre. Seuls et tristes de laisser partir ceux qui nous ont accompagnés durant ces deux derniers mois. Une ribambelle de personnalités extraordinaires, le cœur sur la main. Une générosité à toute épreuve, une chaleur humaine à faire fondre la glace.
Merci. Merci à tous !
Voir décoller ce dernier avion dans le ciel de Concordia fait naître des émotions indescriptibles. Nous abandonnent-ils ? Nous confient-ils la station ? Sont-ils heureux de quitter le dôme C ? Tristes de nous laisser derrière ? Certains d'entre-eux viennent depuis tant d'années... Nous sommes fiers d'avoir pu vivre à leurs cotés et c'est avec un pincement au cœur que je les vois s'en aller.
L'avion s'élève, s'éloigne. À perte de vue. Le bruit des moteurs persiste, puis s'éteint. Le silence. Immobiles, nous n'en revenons pas. Sommes-nous vraiment seuls, perdus au milieu de ce continent inconnu ? Jamais la solitude et la peur ne s'étaient faits sentir. Les voilà qui surgissent alors. Étouffants.
Traditionnellement, le dernier avion à quitter Concordia opère un demi-tour afin de survoler la station en rase-motte, en guise d'ultime salue aux hivernants. Le temps est suspendu. Le monde semble s'être figé pour l'éternité. Retenant notre souffle, le doute s'insinue. Va-t-il revenir ?
Imperceptiblement, le ronronnement des moteurs se fait sentir. Puis un point dans le ciel. Le revoilà ! Extraordinaire. Nous le voyons percer le bleu du ciel, fonçant droit sur nous. Arrivant à plein régime, il nous survole de quelques mètres dans un rugissement effroyable. Nous sautons en l'air, crions de joie, en gesticulant dans tous les sens.
Gonflés à bloc, nous nous sourions et retournons joyeux vers la station. Une fois rentrés, l'euphorie du décollage commence à se dissiper. Après avoir honoré notre rendez-vous au salon pour boire un verre à notre santé et au bon déroulement de notre hivernage, chacun rejoint ses quartiers et ses occupations routinières.
Marchant seul dans les couloirs de la station, elle m'apparaît bien vide et silencieuse. 1 500 mètres carrés pour douze. Deux tours. Six étages. Dix mois à passer. Le cœur serré, je me sens abandonné. Horriblement seul. Les larmes ne sont pas loin et l'envie de pleurer paraît insurmontable.
Les deux premiers jours d'hivernage me sembleront bien tristes. Le matin du troisième jour, au réveil, paraîtra bien différent. Comme éclairé d'une lumière nouvelle. L'incomparable chance de vivre une telle expérience apparaîtra alors dans toute sa splendeur. Mon bonheur n'aura jamais été aussi grand.
Maintenant, l'aventure peut commencer...
Publié le
Samedi 7 février 2009 à 15h14Flux RSS des commentaires de cet article.
Ajouter un commentaire