Lecture : « J. Kepler, Mathematicus »
Informations éditoriales
Titre : J. Kepler, Mathematicus
Auteur : collectif
Éditeur : Société astronomique de France
Année : 1973
Nombre de pages : 130
Poids : 0,33 kg
Dimensions : 24,5 x 16 x 1 cm
À l'occasion du quatrième centenaire de la naissance de Johannes Kepler, la société astronomique de France avait organisé un colloque qui lui était consacré. Les présentations réalisées ont alors fait l'objet d'articles dans la revue l'Astronomie, lesquels ont ensuite été compilés dans un livre. Publié en 1973, il s'agit donc d'un ouvrage collectif composé de dix chapitres pour autant d'auteurs différents (ou presque).
De taille modeste et plutôt fin, ce livre paraît bien sobre. Protégé par une couverture en tissu bleu, il est signé en lettres d'or par l'astronome lui-même. Les pages de papier glacé illustrées de très belles gravures ont légèrement jauni.
Le premier chapitre rappelle le contexte de l'époque et relate rapidement mais d'une plume agréable la vie et l'œuvre de Kepler. Le second chapitre vient alors rapidement souffler la flame tout juste allumée. Il s'agit d'une austère énumération des œuvres publiées par Kepler ou d'études le concernant. Certainement très utile au lecteur passionné désireux de parcourir lui-même les textes d'époque, cette bibliographie aurait sûrement fait meilleure impression en fin d'ouvrage.
Le chapitre suivant pose la question de la pertinence des lois de Kepler au regard de la mécanique céleste moderne. Il est intéressant de traiter le sujet aussi tôt car cette question, même si elle n'est pas toujours rappelée, persiste comme l'essence invisible des chapitres suivants. L'ouvrage tout entier ne semble exister que pour tenter d'y apporter une réponse. Je ne suis pas sûr qu'il y parvienne. Est-ce seulement possible ? Nous savons depuis Newton que les lois de Kepler sont fausses. Au sein même du système solaire, elles n'ont pas même un quelconque intérêt descriptif au-delà de quelques jours et pour un nombre restreint de corps. Que cet ouvrage ne puisse expliquer en cent-trente pages la fascination qu'exerce Kepler depuis plus de quatre-cents ans n'est finalement pas un véritable échec. Peut-être même cette fascination ne semble que plus vive une fois la lecture terminée !
Le quatrième chapitre concernant l'astrologie a peut-être été pour moi le plus intéressant. Il a cependant été rendu assez difficile d'accès par mon manque de connaissance du vocabulaire astrologique. Au-delà des poncifs habituels, je n'ai jamais véritablement compris la mécanique intellectuelle qui poussait les scientifiques d'antan à s'intéresser aussi bien à l'astronomie qu'à l'astrologie. Kepler restait très critique envers la seconde et tentait tout autant de la réformer qu'il l'a fait pour la première. Ce chapitre suit le cheminement des pensées de Kepler et nous fait part de ses raisonnements. L'image que ces scientifiques se faisaient de l'astrologie prend alors une toute autre dimension lorsque correctement replacée dans son contexte.
Ce quatrième chapitre est pour moi resté un mystère durant bien des pages, lisant les paragraphes sans vraiment en comprendre le sens. Je n'ai pu commencer à démêler les nœuds de mon esprit qu'au détour d'une phrase. Kepler pensait que les planètes — et la Terre en particulier — possédaient une âme. Mais jusqu'à quel point ces astres pouvaient-ils être conscients et maîtres de leurs mouvements ? Kepler a apporté une réponse élégante en supposant que ces corps manquaient certainement de moyens d'observation et d'outils mathématiques suffisant pour se mouvoir volontairement autour du Soleil selon une trajectoire aussi parfaite et identique à chaque révolution. Partant des préjugés de son époque, il cherchait une explication concrète et rationnelle à toute chose et dans tous les domaines. C'est alors que j'ai repris la lecture du chapitre, depuis le début.
Les chapitres suivants, à l'exception du dernier, suivent un cheminement historique plus classique. Le cinquième traite de la très lente infusion du modèle de Copernic dans les esprits de l'époque, jusque Kepler et après lui. Le sixième traite des compétences de Kepler dans le domaine des mathématiques et de la physique. Le septième traite de l'évolution de la conception de la mécanique depuis Kepler, par Galilée jusqu'à Newton. Le huitième chapitre aborde enfin ce que l'on considère comme la partie la plus noble des travaux de Kepler, à savoir la formalisation des lois qui portent désormais son nom. L'auteur parvient alors à nous faire suivre le cheminement intellectuel de Kepler, ainsi que ses errements, dans un récit chronologique passionnant. Le neuvième chapitre, très court, rappelle les quelques contributions supplémentaires de Kepler dans le domaine de l'astronomie.
Le dernier chapitre s'interroge sur la méthode d'investigation que Kepler a suivi toute sa vie. Ou peut-être, selon l'auteur de cette partie, la non-méthode. Ce chapitre est passionnant à plus d'un titre. Joliment écrit, il explore la façon dont Kepler a suivi les pistes sinueuses de son esprit ; creusant toujours plus profondément, quitte à se retrouver bloqué par un raisonnement abscons que tout esprit sain aurait su éviter. Cette recherche obstinée et passionnée, cette capacité à se disperser avec entêtement, à se tromper inéluctablement — puis reconnaître ses erreurs — est peut-être ce qui défini le mieux la personnalité de Kepler. Cette exploration tous azimuts aura autant permis l'émergence de théories des plus étranges que celles qui auront fait son succès.
Aborder les différentes facettes de la vie, l'œuvre et la personne de Kepler dans un ouvrage éclaté en articles indépendants écrits par des auteurs différents était peut-être le meilleur manière d'approcher ce personnage atypique. Ce livre paraît bien fin, il est pourtant d'une belle richesse !
Publié le
Mardi 18 octobre 2016 à 17h42Flux RSS des commentaires de cet article.
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