Nous sommes le vendredi 5 décembre 2009, à quelques secondes de poser le pied sur la surface glacée du dôme C. Les pilotes du DC3 nous demandent de nous asseoir et d'attacher nos ceintures. Nous allons atterrir. Par le hublot, nous voyons l'immense piste du Raid s'étaler sur des dizaines de kilomètres. Au loin, à l'une de ses extrémités, un petit amoncellement indéfinissable. Serait-ce la station ? Difficile à dire.

Nous virons de bord, perdons de l'altitude. Quelques instants plus tard, nous nous posons. La glissade est de courte durée, l'avion perd rapidement de la vitesse et s'immobilise. Le bruit des moteurs change, puis nous tournons sur nous-même. Par le hublot, les deux tours apparaissent. Des tentes, des conteneurs, puis la plate-forme Astro aux deux portiques si caractéristiques. Les sentiments qui surgissent sont indéfinissables. Nous n'en croyons pas nos yeux. Sommes-nous en train de rêver ? Tout ceci paraît tellement irréel...

Nous y sommes pourtant. Enfin !

De nombreuses personnes sont sorties nous accueillir. Une fois à proximité de la station, l'avion daigne enfin s'arrêter. Nous habillant rapidement, nous nous préparons à affronter un froid piquant. La porte s'ouvre et les premiers passagers descendent. Je suis le dernier à m'extraire du ventre du DC3 pour découvrir de nombreux visages souriants, totalement inconnus. Plusieurs paires de bras m'enlacent successivement.

Je lève les yeux et découvre enfin de près cette si belle et atypique station. Concordia !

Il ne fait pas si froid. -30°C. Le sourire m'en vient au lèvre. Ce froid tant redouté ne semble finalement pas si méchant. On nous guide vers l'intérieur, nous invite à nous dévêtir. Les bagages, nos affaires personnelles, la dotation polaire, nos chambres, la visite de la station... plus tard. Pour l'heure, on m'emmène au salon pour y boire un jus de fruit et m'y reposer.

Deux étages à monter. Ouf ! Pas si facile. Essoufflé, assis dans le canapé, je reprends mes esprits. Assailli de questions et de conseils, je suis aux anges. Y suis-je vraiment ? Incroyable !

Je mets du temps à me sentir à l'aise. L'hypoxie, le manque d'oxygène, fait souffrir près de 90% des arrivants. Pas tout de suite, dans quelques heures... Le mal des montagnes. Il faut en faire le moins possible. On me conseille de rejoindre ma chambre, de prendre un bouquin, et de m'allonger pour plusieurs heures. Ce que je fais immédiatement. En haut d'un lit superposé, j'ai du mal à me concentrer. Émerveillé, j'écoute les bruits de couloirs, intercepte des bribes de conversations. Je jette des coups d'œil par la fenêtre. Je n'en reviens toujours pas.

Plus tard, une visite de sécurité de la station est organisée. Je la suis assidûment, puis retourne me coucher. De temps à autre, je mène de petites expéditions pour découvrir mon nouvel environnement. Pas bien longues ; le temps viendra. À l'arrivée, on se sent bien. Ceux qui, enivrés par l'excitation, ont voulu tout voir, tout visiter tout de suite, l'ont payé dans les heures qui ont suivi. Nausées, vomissements, vertiges. Ils mettront plus de temps à s'en remettre.

Quelle heure est-il ? Je ne saurais dire. Vient l'heure du repas. Déjeuner ? Dîner ? Je ne sais plus. Déboussolé par le décalage horaire, par tout ces vols aériens et un Soleil perpétuellement au zénith, je ne sais plus où j'en suis. Peu importe. Je suis heureux, et le temps ne compte plus. Nous somme arrivés à destination, à bout de notre périple. Fatigués, mais heureux.

Au bout de deux jours on se sent déjà beaucoup mieux. Après une semaine, on recouvre des conditions normales.

Il faudra attendre trois semaines à un mois pour être totalement dans le bain.